quand je suis né, ils m’ont collé un nom, un prénom, un sexe, un numéro et ils m’ont dit « t’es de nationalité française ».
ils m’ont pas demandé mon avis. ils m’ont vacciné sans me demander mon avis . à six ans ils m’ont envoyé à l’école. ils m’ont pas demandé mon avis non plus. ils m’ont appris mes ancêtres les gaulois. bien plus tard j’ai appris que mes ancêtres étaient nègres. c’est pas pareil.
ils m’ont bien fait chier à apprendre les tables de multiplication, rosa la rose, le complément circonstanciel de cause et un tas d’autres foutaises dont je me serais bien passé.
en vrai, j’aurais préféré rester dans mes cévennes natales, où nous vivions loin des routes, près des oiseaux, des arbres, du vent, du froid, de la pluie, du soleil, des voisins avec qui on chantait. près des sources où l’on pouvait boire sans crainte.
mais non, c’était la fin de la guerre, il fallait reconstruire. alors, fallait des bras. ils m’ont même appelé « citoyen ».
ça avait ses avantages: l’éducation, la démocratie, la sécurité sociale, la retraite.
ils m’ont tellement éduqué par les livres que j’ai perdu tout contact avec le chant des oiseaux. ils ont essayé toutes sortes de vaccins et de médicaments sur moi pour que je vive plus vieux. je sais qu’en mon grand âge j’irai dans une maison de retraite loin de mes enfants.
pour ce qui est de la démocratie, je n’ai jamais pu proposer une loi. c’est réservé aux messieurs à cravate qui font les beaux là-haut, à la télé et dans les journaux.